dimanche 7 avril 2013

LE MASSACRE DE LA RAVINE DU GRAND HAZIER (suite)

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Dan' tan lontan : Ravine du Bernica
Les 750 ravines réunionnaises creusées au cours des millénaires sur les pentes extérieures des volcans contribuent à façonner le paysage unique de notre île. Ces œuvres  de la nature constituent de véritables jardins botaniques en jouant un rôle de refuges et de corridors biologiques pour la flore et la faune menacées par l’extension des activités humaines.  Mais les ravines n’ont pas qu’un intérêt écologique, elles ont aussi une forte valeur socioculturelle par la place  particulière qu’elles occupent dans l’imaginaire social des Réunionnais du fait des usages qu’ils en faisaient dan’ tan lontan,  avant que la civilisation de l’automobile et de la société de consommation de masse ne modifient en profondeur leur rapport à la nature.

Dan' tan lontan : Bras Sec


Sur un territoire où l’histoire de la présence humaine est relativement récente, ces ravines, plus vieilles que les châteaux forts médiévaux de la mère patrie, constituent  un patrimoine irremplaçable. Que dirait-on si un individu saccageait en métropole une église romane, aussi modeste soit-elle, afin de se construire un parking ? C’est un peu ce qui se passe dans la partie haute de la ravine sèche du Grand Hazier sur la commune de Sainte Suzanne. 

Haie bordant la ravine du Grand Hazier dans sa partie intacte
Gravats et remblais détruisant  la végétation sur la pente de la ravine
 
partie saccagée : haies détruite et ravine comblée

Au vu et au su de tous, dans une indifférence quasi générale, depuis près de huit ans, une noria de camions benne de 38 tonnes, vient en toute illégalité déverser des milliers de tonnes de gravats et de remblais que le tractopelle d’un propriétaire du coin vient ensuite pousser dans  la ravine pour enfin  aplanir le tout et ainsi la combler progressivement. Il s’agit là, ni plus ni moins, d’un véritable saccage dont le but est la privatisation d’une partie de la ravine. 

Barrière privatisant l'accès à la ravine

 
comblement de la ravine en cours

Remblais et gravats détruisant la végétation au fond de la ravine
 
gravats et déchets attendant d'être poussés dans la ravine
Nous avons déjà posé la question de la responsabilité des autorités publiques et des élus de la commune informés depuis des années mais si peu réactifs que le saccage continue aujourd’hui en toute impunité. Que faire d’autre ?


Il est temps que tous les Réunionnais, dont évidemment les élus, comprennent que les massacres de sites naturels doivent être considérés pour ce qu’ils sont, des agressions, voire des crimes  contre le patrimoine commun. Depuis des années, nombre de ravines ont été enlaidies par des politiques d’aménagements discutables, défigurées par des constructions souvent illégales, les bords en ont été privatisés, beaucoup ont été  polluées par les déchets ou les rejets comme dernièrement la ravine Balthazar  à La Possession, alors certains pourraient penser que finalement cette petite ravine non pérenne ne mérite pas autant d’attention. Ce serait une erreur, aucune ravine aussi petite soit-elle, n’est négligeable, elle fait partie d’un ensemble unique dont il faut désormais préserver ce qui peut l’être
On peut dire en paraphrasant l’urbaniste italien Alberto Magnaghi, que le territoire réunionnais est une œuvre d’art, peut-être la plus noble, la plus collective que des générations de Réunionnais aient jamais réalisée car il est le produit d’un dialogue poursuivi entre l’homme et la nature dans la longue durée. Mais depuis quarante ans, cette œuvre a été altérée par le mode de développement productiviste privilégié par les pouvoirs publics, il convient maintenant que les autorités et les élus prennent enfin leurs responsabilités et commencent par sauver ce qui peut encore l’être  de cette modeste ravine. Ce pourrait être le début d’une prise de conscience plus générale et plus vaste.


partie comblée


jeudi 4 avril 2013

LE SCANDALE DE LA RAVINE DU GRAND HAZIER

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Camion-benne et tracto-pelle à l'oeuvre en bord de ravine

Depuis près de huit ans, au grand jour et en toute illégalité, des camions-bennes de 38 tonnes déversent quotidiennement dans la ravine du Grand Hazier, à hauteur de la rue Martin Luther King, sur la commune de Sainte Suzanne, des déblais et de gravats provenant de divers chantiers de démolition. Une fois les tonnes de déchets déversées, un propriétaire s’affaire  avec son tracto-pelle à combler et à aplanir le terrain ainsi gagné sur la ravine. 



Cela fait aussi huit ans que des riverains interpellent les représentants de l’Etat ou les élus. En vain. Les ravines de La Réunion, on le sait, servent souvent de décharges sauvages mais là on est en présence d’un scandale bien particulier puisque cette activité illégale se déroule tous les jours depuis des années au vu et au su de tout le monde  et que les autorités alertées restent inactives. Non seulement cette activité génère des risques importants en termes de pollutions ou d’éventuels glissements de terrains consécutifs à des fortes pluies mais elle pourrait avoir des conséquences en matière de santé publique dans la mesure où certains déchets de démolitions enterrés dans la ravine peuvent se révéler toxiques et contaminer la terre et les eaux.



Les riverains ont obtenu que des constats soient établis par la DDE en octobre 2005 et par le service environnement de la Mairie de Sainte Suzanne en février 2007 mais sans que cela n’ait eu un effet quelconque sur l’action des camions.
Posons les questions qui fâchent. Pourquoi, ni le Procureur de la République saisi par courrier recommandé le 14 mars 2007, ni le Préfet saisi le 12 octobre 2008, n’ont-ils jugé bon de répondre aux demandes des riverains ? N’est-il pas étrange que ces camions viennent précisément dans cette ravine-là pour la combler illégalement ? Quelles connexions, quelles solides amitiés ou complicités sont à l’œuvre dans ce scandale environnemental pour que ces opérations puissent se faire ainsi  depuis  huit ans, au grand jour en toute impunité ?

vue aérienne


Le cas de  la ravine du Grand Hazier est symptomatique de la façon dont on traite l’environnement à La Réunion. L’incurie du service environnement de  la Mairie de Sainte Suzanne et des services de l’Etat est patente. La DEAL semble ainsi se dédouaner au motif que la ravine, non pérenne, n’est pas cadastrée et qu’elle appartient à un propriétaire privé. Mais les ravines non pérennes  ont bien un statut juridique, elles relèvent de la police générale de l’ordre public que le Maire est tenu de faire respecter  ainsi que de la  police de l’urbanisme et des risques qui s’exerce sur les aménagements réalisés en ravine, notamment grâce aux Plans de Prévention des Risques et aux Plans Locaux d’Urbanisme. 



Quant au propriétaire privé il est lui aussi responsable au regard du Code Civil et du Code de l’Environnement. Enfin  la DEAL ne devrait pas oublier qu’elle dispose de la Brigade de la Nature de l’Océan Indien placée sous son autorité.
Alors, semaine du développement durable oblige, nous espérons que les autorités publiques et les élus concernés vont enfin prendre leurs responsabilités.