mardi 29 janvier 2013

LA PITOYABLE FIN DE GERRI



GERRI, c’est fini.  Didier Robert, le Président du Conseil Régional, vient de l’annoncer, la collectivité qu’il dirige se retire du projet GERRI. Pour mémoire, GERRI, c’était « le premier enfant du Grenelle  de l’Environnement » comme disait Jean-Louis Borloo lorsqu’il était Ministre de l’Ecologie. Effectivement, le 25 octobre 2007, Nicolas Sarkozy, devant un parterre de personnalités dont Al Gore, clôturait le Grenelle  en s’exclamant « Et je vous annonce que dès 2008, nous engagerons le programme Réunion 2030 ». Seul territoire nommément cité par le Président, La Réunion  devait incarner l’innovation et l’excellence écologique.
Le Secrétaire Général aux Affaires Régionales de la Préfecture, Jean Ballandras, rédigeait alors un programme dont la rhétorique un peu pompeuse présentait GERRI (pour GreenEnergy Revolution Reunion Island ) comme une sorte de New Deal écologique et économique, voire, une révolution sociétale dont l'ambition était comparable, selon lui, au Centre Spatial Guyanais ou au Centre d’Expérimentation du Pacifique . Avec GERRI  il s’agissait de faire de La Réunion « le premier territoire aumonde où la totalité des déplacements se fera sans recours aux énergiesfossiles ». Politiquement, il s’agissait surtout pour le gouvernement de faire pièce au projet d’autonomie énergétique défendu par Paul Vergès en obligeant la Région à entrer dans un partenariat avec l’Etat. 
Mais très vite, il est apparu que GERRI, sans financement ni véritable projet politique de développement, n’était qu’une coquille vide. Même le programme d’expérimentation de véhicules électriques lancé en janvier 2010 par Nicolas Sarkozy à La Réunion devant les patrons de grands groupes industriels (Renault, EDF, Groupe Hayot, etc.) est un cuisant échec. Au final, au lieu des 50 voitures électriques prévues, il faudra se contenter de 15 Kangoo  et trois Fluence ZE achetées par des collectivités. Véhicules qui émettront plus de CO2 que les moteurs thermiques puisque l’électricité réunionnaise est pour l’essentiel issue de ressources fossiles importées. C’est donc la fin d’une écologie conçue par des experts et des technocrates comme un gadget technologique que l’on tente de vendre à l’opinion publique par un discours grandiloquent, totalement coupé des réalités réunionnaises. La décision du Conseil Régional était cependant  prévisible depuis le changement de majorité en 2010. Les liquidations successives de la recherche en géothermie, du tram train ou de GERRI ont constitué les étapes obligées d’un programme bien précis, l’enterrement de 1ère classe du rêve d’autonomie énergétique de La Réunion. Avec une nouvelle route du littoral à 2,7 milliards d’euros pour 12 km, 800 000 véhicules sur les routes en 2020 et une nouvelle centrale thermique au Port-Est, c’est au contraire, la dépendance énergétique qui va s’accentuer fortement et alourdir la facture des importations. Six ans après l’ivresse du Grenelle de l’Environnement, aujourd’hui, c’est plutôt la gueule de bois.

mercredi 16 janvier 2013

PLAGES DE L’OUEST, CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE

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Effondrement décembre 2012
l'esplanade effondrée


L’effondrement de l’esplanade surplombant la plage des Roches Noires n’est qu’un nouvel épisode du phénomène d’érosion qui affecte 50 % des côtes réunionnaises et qui semble désormais irréversible du fait d’une artificialisation croissante du littoral réunionnais. L’enrochement auquel la mairie de Saint-Paul a procédé pour parer au plus pressé, est symptomatique de l’étroitesse des marges de manœuvres des élus. On va peut-être freiner l’érosion mais en accentuant l’artificialisation du rivage on le fragilise encore plus et on se condamne à devoir recommencer inlassablement la même opération. 

Les Roches Noires il y a quelques années

enrochement : on pare au plus pressé

Depuis cinquante ans, la pression exercée par les activités humaines s’est considérablement accrue à La Réunion, plus particulièrement sur le littoral où est concentrée la population. Ce sont d’abord  de grands travaux d’artificialisation qui sont à l’origine des menaces, comme par exemple l’endiguement des ravines, la construction de ports, de digues, de l’aéroport de Gillot et de la route du littoral. 




pose de tétrapodes sur la route du littoral (Imazpress)

Cette dernière doit d’ailleurs être régulièrement consolidée par l’ajout de tétrapodes pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans la mer. Toutes ces grandes infrastructures modifient les transferts sédimentaires côtiers et ont comme conséquence indirecte l’érosion de portions du littoral éloignées du lieu de leur construction.
Ainsi au Port, la Pointe des Galets a subi une érosion  de 230 m en 50 ans en raison de la perte des sédiments qui provenaient de la Rivière des Galets et qui sont désormais bloqués par la jetée sud du Port Ouest. Le même phénomène affecte le front de mer de Saint Benoît depuis la construction de la digue du Butor. 


Endiguement de la Rivière des Galets, Port Ouest et Pointe des Galets
digue du butor et érosion du littoral (BRGM)


Les menaces, ce sont aussi des activités  comme l’extraction d’alluvions dans les rivières ce qui a comme conséquence de limiter l’apport en sédiments ou encore la dégradation des récifs coralliens qui perturbe leurs fonctions régulatrices.
Enfin, le non respect de la loi Littoral s’est traduit par la multiplication des constructions en dur empiétant sur la zone  de stocks sableux qui permettait une régénération naturelle des plages par le mouvement des vagues.


document BRGM
 Désormais, l’action de la houle a un impact surtout destructeur. 



La disparition de la plage de Saint-Pierre en face de l’ex gendarmerie en est l’exemple le plus frappant.
   
disparition de la plage à Saint-Pierre

Dans le contexte du changement climatique et de l’élévation du niveau des océans, l’avenir des plages réunionnaises est  donc très incertain. A quoi il faut ajouter la menace que fait peser le projet de la nouvelle route du littoral dont une large partie reposera sur deux digues monumentales.

Digue NRL

Celles-ci, d’une longueur totale de près de 7 km, auront  100 m de large à la base et une hauteur de 18 m au-dessus de l’océan au lieu de 4 m actuellement ! Elles vont nécessiter près de 22 millions  de tonnes de matériaux, 18 millions de tonnes de remblai et d’enrochements et 4 millions de matériaux alluvionnaires donc l’extraction aura aussi un coût environnemental. Ces digues auront, en dépit des dénégations officielles, des impacts importants sur le littoral dans la mesure où elles vont modifier les transits sédimentaires.
A Maurice, en Thaïlande, de vastes programmes de lutte contre l’érosion des plages sont mis en place, mais comme à La Réunion, il s’agit en général de travaux accentuant l’artificialisation des côtes et qui risquent de s’avérer coûteux, insuffisants, voire contre-productifs. Reste la stratégie du repli des activités humaines, ce qui supposerait une transformation radicale des activités économiques et d’un mode de vie qu’on aurait pu croire immuable.