lundi 19 novembre 2012

AFFAIRE "LAV A MOIN +", LES LABORIEUSES ET DISCUTABLES EXPLICATIONS DU PROMOTEUR

On se souvient qu'ici même (), j'ai récemment évoqué de possibles infractions au code de l'urbanisme à Saint-Denis à propos d'un bail et d'un permis de construire précaire accordés par la mairie à un entrepreneur qui s'apprête à ouvrir  une station de lavage de véhicules baptisée "Lav a moin +". Le promoteur de cette opération vient de tenter de se justifier dans une interview donnée (ici)  au site d'information Imazpress qui,  le premier, avait évoqué cette affaire en juillet 2012. Yves Turgis, c'est le nom de ce promoteur ne s'embarrasse pas de nuances : selon lui, "tout a été fait dans les règles", sa station est "écologique", tout juste concède-t-il quelques erreurs pour justifier un permis de construire accordé après les travaux. Quant à la coïncidence que j'évoquais entre ce bail "amical" concédé par la mairie de Saint-Denis et le fait qu'il ait appelé en juin 2012 à voter pour la 3ème adjointe, candidate socialiste pour les législatives, c'est une "rumeur" !
Pas de chance pour M. Turgis, on peut encore le vérifier ici, il fait bien partie des vingt "personnalités"  ayant appelé à voter pour cette candidate, ce n'est pas une rumeur, c'est un fait. Le reste des propos de M. Turgis n'est qu'un tissu de réponses approximatives et de contrevérités. Le bail accordé par la mairie est bien illégal, l'adjoint qui l'a signé n'avait pas la délégation de signature,  le permis de construire précaire, au delà du fait qu'il est accordé après la construction de la station, contient bien de nombreuse irrégularités. Il s'agit bien d'une zone urbaine verte donc inconstructible sauf dérogations bien particulières. A quoi, il faut ajouter qu'il semble confirmé qu'une partie du terrain   se situe bien dans la zone des 50 pas géométriques. Bref, l'accord passé entre la mairie et M. Turgis est bien entaché de nombreuses irrégularités.

Le  raccordement électrique d'EDF

Une question évidemment se pose : pourquoi M. Turgis bénéficie-t-il d'une telle attention de la part de la municipalité d'autant plus que le bail aurait dû être résilié puisque le promoteur ne respecte pas les délais. A ce propos, dans son entretien avec la journaliste d'Imazpress,  il affirme  que le retard des travaux serait  dû à des problèmes d'alimentation électrique. C'est vrai que le raccordement au réseau EDF n'existait pas mais l'artisan a pourtant travaillé pendant des mois avec des groupes électrogènes, ça n'explique donc pas le retard actuel. D'après nos informations, le chantier aurait été arrêté par l'artisan lui-même suite à un différend avec le promoteur. Qu'en est-il exactement ? Quel est l'objet du différend ?



Ma station est "écologique" ose affirmer M. Turgis. Qu'il nous permette d'en douter. Sur le plan environnemental, il ne répond à aucune des questions que nous posions. A-t-il obtenu une autorisation de déversement des eaux industrielles ? Si, oui, de qui la tient-il ? Du Maire de Saint-Denis ? Quel dispositif sera utilisé pour traiter ces eaux fortement polluées? Y aura t il un séparateur d'hydrocarbures ? Quel dispositif est prévu pour l'évacuation des eaux après traitement sachant que la ligne d'évacuation des eaux usées qui passe sous la rue Léopold Rambaud est située au dessus du niveau  de la station, ce qui nécessiterait une station de pompage, inexistante à notre connaissance ? Toujours d'après nos informations, une chaudière est installée dans un local technique avec une cuve à mazout pour l'alimenter.  Les normes environnementales pour ce type d'installation ont-elles été respectées ? Y a t il  un véritable bac de rétention ou une simple fosse qui laisserait craindre alors un  risque de pollution du milieu naturel ?   La DEAL (Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) n'a t-elle pas son mot à dire ? A t elle été consultée?
En résumé, cette station de lavage, contrairement aux affirmations fantaisistes de M. Turgis n'a rien d'écologique,  elle se caractérise même selon nous par une totale désinvolture envers les contraintes environnementales.

Il  apparaît enfin que les trois entités, la station de lavage, le restaurant et le magasin de pièces détachées, sont suffisamment séparées pour autoriser trois sociétés différentes à les exploiter. Or, le bail accordé par la mairie s'il précise bien que le bénéficiaire ne pourra sous louer les lieux, spécifie néanmoins que "toutes sociétés exploitantes pourront se substituer à Sogis Invest". Bref, trois personnes ou trois "équipes" différentes pourraient exploiter, qui le restaurant, qui le magasin, qui la station.
Quels seraient alors  les heureux bénéficiaires de ces activités très bien situées ?
Voilà des questions auxquelles on s'en doute, M. Turgis n'est pas pressé de répondre. Mais nous aurons, nous, certainement l'occasion de reparler de "Lav a moin +", de son promoteur et de ses liens avec la mairie du chef lieu.


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mardi 13 novembre 2012

OPÉRATION DE COMMUNICATION SUR LA ROUTE DES TAMARINS

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Photo Imazpress
Le dimanche 18 novembre 2012, la Région Réunion renouvellera son opération « Routeouverte » sur la route des Tamarins. Vélos, rollers, marche à pied, la route sera ce jour-là  dédiée aux modes doux de déplacement et on peut être assuré que des animations « festives »  célébreront la politique de développement durable du Conseil Régional et rappelleront opportunément que Didier Robert a déclaré 2012, « année de l’écologie et de la biodiversité ». Cette collectivité va même jusqu’à présenter cet événement comme marquant « une volonté de générer un changement de comportement en matière de déplacement et de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports ».
La réalité est hélas bien différente. En 2011, les ventes de  4 x 4 et de véhicules tout terrain ont augmenté de 53 % à LaRéunion (chiffres du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles). La part du transport collectif (bus et taxi) qui représentait il y a encore vingt ans, près de 30 % des modes de déplacements, est aujourd’hui tombée à 6 %, les Réunionnais n’ont quasiment plus d’alternative à la voiture individuelle.
Et la Région porte actuellement la responsabilité du plus grand projet routier jamais entrepris à La Réunion,  une route pharaonique aux conséquences destructrices sur la biodiversité terrestre et marine. Cette fameuse nouvelle route du littoral dont le coût réel est d’environ 2,5 milliards d’euros pour  12 km, va notamment détruire le banc corallien des Lataniers en baie de La Possession, une « formation remarquable sur le plan écologique », dont l’Autorité Environnementale (Ministère de l’Écologie) rappelait dans un avis du 22 octobre 2009, qu’il devait être impérativement sauvegardé. Quant au Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de La Réunion, instance constituée de vingt deux scientifiques locaux mais que la Région n’a  pas consultée, il met en garde contre les impacts environnementaux « irréversibles » qui résulteront des digues monumentales nécessaires à un tel projet  et contre  la perte de l’écosystème d’une « falaise unique au monde ». 

Des digues monumentales exigeant 18 millions de mètres cubes de matériaux de remblai

L’extraction des 18 millions de mètres cubes de matériaux de remblai nécessaires exigera 550 000 rotations de camions pendant les sept années du chantier, soit 215 rotations par jours qui ne contribueront certainement  pas  « à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ».  Il est enfin fort probable que les nuisances acoustiques provoquées par les travaux d’édification des piles du viaduc auront un impact majeur sur la faune marine au point que les baleines à bosses pourraient bien déserter les côtes de La Réunion. Si on ajoute que le littoral réunionnais est déjà le plus bétonné de l’outremer, on saisit parfaitement tout le cynisme de cette  opération de communication  du 18 novembre qui n’a d’autre but  que d’occulter la régression de l’écologie et les lourdes menaces qui pèsent désormais sur la biodiversité locale.

jeudi 1 novembre 2012

INFRACTIONS AU CODE DE L’URBANISME À SAINT-DENIS ?


L’étroite bande de terrain située, à l’est de la ville, entre la rue Léopold Rambaud et la N2 est bien connue des automobilistes dionysiens souvent coincés dans les embouteillages. Elle est classée au Plan Local d’Urbanisme de  Saint-Denis en zone UVl, c’est à dire en zone urbaine verte, donc inconstructible sauf dérogations bien particulières.


zone entre la N2 et la rue Léopold Rambaud (cliquer pour agrandir)

Or, au 85 de la rue Rambaud, depuis des mois, on a pu voir sortir de terre un ensemble de constructions assorties de panneaux indiquant qu’allait bientôt ouvrir une station de lavage de véhicules dénommée « LAV A MOINS +».  Chose étrange : ce chantier n’a  longtemps  arboré aucun panneau indiquant l’existence d’un permis de construire.


Le panneau de la station


Période de travaux sans affichage de permis de construire

 Il apparaît pourtant que la Mairie de Saint-Denis a bien signé dès le 18 octobre 2010, il y a deux ans, sans  appel à la  concurrence, un bail avec la société « EURL SOGIS INVEST » pour une « occupation précaire » de quatre parcelles du domaine  privé appartenant à la régie funéraire. Elles sont mises à la disposition de la dite société, non seulement pour une activité de lavage de véhicules mais aussi pour l’exploitation d’un restaurant et la « vente d’accessoires et produits divers ».
 
bail signé par un adjoint n'ayant pas la délégation

 Le bail est de dix ans  et spécifie que le preneur doit démarrer son activité dans un délai de cinq mois à dater de la signature. Un avenant, signé le 17 février 2011, reporte le délai pour le démarrage à cinq nouveaux mois mais dans les faits, un an et demi plus tard, aucune activité n’a encore commencé. Saisi par un citoyen obstiné - et bien informé - qui s’étonnait des irrégularités, l’adjoint délégué à l’urbanisme de la Mairie s’est empressé  de signer, après le quasi achèvement des travaux, un permis de construire précaire le 28 juin 2012. 
 
permis de construire précaire rétroactif

Une telle désinvolture à l’égard du code des  collectivités locales  et du  code  de l’urbanisme pose un certain nombre de questions. En effet, l’élu qui a signé le bail et son avenant n’avait aucune délégation de signature pour le faire, ce qui rend illégal ce document liant la commune et cet opérateur. Les quatre parcelles en question étant propriété de la régie funéraire, la Mairie avait-elle le droit de les louer à une entreprise privée pour exercer une activité commerciale, sans  aucun appel à  concurrence? Le bail lui-même est une monstruosité juridique puisque, s’agissant de terrains du domaine privé de la ville, il aurait dû prendre la forme d’un bail commercial, or le document dans son article 1 prétend au contraire déroger à la législation de droit commun. Pourquoi ? Pourquoi ce contrat permet-il, contrairement  à la réglementation  sur les  locations,  une  sous-location  à un exploitant  qui n’est pas désigné  dans le  bail ?  L’autorisation aurait dû au demeurant être résiliée (article 7 B) puisque la société n’a toujours pas respecté ses obligations contractuelles en terme de délais, pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?

Deux ans après, la société n'a toujours aucune activité


La situation pourrait être même plus complexe puisque non seulement les parcelles sont situées dans une zone  bénéficiant  d’une protection forte  au  titre du SAR mais elles semblent être, qui plus  est,  à l’intérieur de la zone des 50 pas géométriques (81 m du rivage) ; elles relèveraient alors du Domaine Public Maritime (loi Littoral du 3 janvier 1986).
extrait du cadastre


Pourquoi le permis de construire est-il postérieur aux travaux ? Pourquoi passe-t-il sous silence un nombre impressionnant d’éléments : la régie funéraire comme véritable propriétaire des terrains, l’objet de l’autorisation, une durée de deux ans en contradiction avec le bail, etc. ? Une telle installation est-elle compatible avec le classement en zone urbaine verte située dans la zone des 50 pas géométriques ? Quid des équipements permettant de capter les boues et les polluants en vue d’un retraitement par des entreprises spécialisées ? Quid du dispositif autorisant le raccordement au réseau des eaux usées ? Il est clair que notre promoteur une fois installé sur cette zone stratégique pour le réaménagement du littoral dionysien, sera difficilement délogeable dans dix ans s’il fait fonctionner une station de lavage, un restaurant et un magasin.

plus de 3500 mètres carrés : station mais aussi restaurant et magasin

Enfin, un détail nous interpelle : cette autorisation litigieuse a été accordée à une société appartenant à un homme d’affaires ayant appelé publiquement en juin 2012 à voter aux législatives en faveur de la candidate socialiste à Saint-Denis. Certes, c’est son droit le plus absolu mais il s’agit quand même d’une bien étrange coïncidence. Saisi par un courrier que lui a adressé il y a cinq mois notre citoyen obstiné, le Maire de Saint-Denis n’a pas daigné répondre. Nous souhaitons donc que M. le Préfet, garant de l’état de droit et du respect de la réglementation, s’exprime sur cette affaire.