jeudi 2 juin 2011

DEAD END ROAD







En mars 2010, au terme d’une campagne de dénigrement systématique du projet tram train, le lobby des « professionnels de la route» soutenu par les inconditionnels de la bagnole, est finalement arrivé à ses fins. Ce lobby, dont les Réunionnais avaient pu mesurer la puissance lors des barrages de novembre 2008, avait trois exigences : la suppression du projet ferré qui lui ferait concurrence, la priorité des investissements réservée à la Nouvelle Route du Littoral (NRL) et la suppression du péage.

Sur tous ces points, il a obtenu satisfaction. La solution ferrée est abandonnée et désormais 86,5 % des financements des nouveaux Accords de Matignon, hors aéroports, sont consacrés à un seul et unique projet, la NRL. Sans péage mais avec 2 x 3 voies au dessus de la mer, elle est devenue, pour le coup, un projet réellement « pharaonique ». Le corporatisme, le court terme et l’idéologie de la bagnole ont donc prévalu sur l’intérêt collectif et sur l’anticipation des évolutions pourtant prévisibles qui vont rendre l’usage de l’automobile et de la route de plus en plus onéreux.

La consultation publique qui vient de s’achever ne proposait ni analyse globale de la problèmatique des déplacements, ni réflexion prospective sur les enjeux climatiques et financiers. Demander aux Réunionnais leur avis uniquement sur l’aménagement d’une route présentée comme « la » solution aux problèmes de transport et de circulation, n’est pas sérieux. La NRL constitue en soi une véritable incitation au développement de l’automobile car du fait des carences notoires des transports en commun, les Réunionnais n’ont pas d’alternative. Alors qu’en Europe Occidentale, en moyenne, 25 % des déplacements se font par transports en commun, La Réunion stagne toujours à 6,5 % et près de 90 % des déplacements se font en véhicules particuliers. Le projet tram train, quelles que soient les objections qu’on pouvait lui faire, était le seul projet d’envergure de mise en place d’un transport en commun et 64 % des financements des Accords de Matignon de 2007 lui étaient consacrés. Par comparaison, les Accords de Matignon de 2010, ne consacrent plus que 250 petits millions, soit à peine 13,5 %, au projet « croupion » du Trans Eco Express.










Le Conseil Régional a ainsi renoncé à mettre en place une politique de transport régional d'intérêt public préférant perpétuer une logique de croissance des infrastructures routières. Mais le triomphe du lobby du tout routier est illusoire.

Car ce projet d’une 2 x 3 voies sur la mer, par sa démesure même, fait prendre conscience de l’erreur fondamentale du choix du passage sur le littoral décidé en 1955.

Depuis on engloutit des sommes considérables pour construire des routes successivement de plus en plus éloignées de la falaise. Au lieu de réfléchir à l’erreur historique de départ, la Région s’obstine à vouloir à nouveau s’éloigner de la falaise par un passage sur un viaduc en mer.



Mais si le cerveau de certains élus n’évolue pas, le monde, lui, change. A l’ère du réchauffement climatique, le projet régional pèche par l’absence de réflexion sur les échecs successifs du passé et par la faiblesse de l’analyse financière d’une telle infrastructure et des risques climatiques qui y sont associés.





La nouvelle majorité régionale n’a pas tiré les leçons du surcoût de la route des Tamarins (+ 70 %)ni celles du surcoût de la 1ère route de 1963 (+ 70 %, trois milliards cent millions de francs CFA au lieu d’un milliard huit cent millions). On peut donc évaluer le coût final de la NRL à environ 2,7 milliards d’euros au lieu des 1,6 milliards annoncés par Didier Robert. Si on ajoute la hausse inexorable des prix des carburants, la lutte renforcée contre les émissions de CO2, les inévitables transferts fiscaux vers la protection de l’environnement et du climat, on voit que le projet en mer est « plombé » avant même le début des travaux. Il n’y a d’autre alternative que d’élaborer un véritable schéma régional des déplacements autour d’un projet de transport en commun régional ferré ambitieux, de mutualiser route et voie ferrée en réexaminant très sérieusement la solution du passage sous la montagne en double tunnel.

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