dimanche 11 décembre 2011

DÉCAPITATION DES PLUS VIEILLES MONTAGNES DU MONDE

Photos des Appalaches by courtesy Vivian Stockman / www.ohvec.org.
Flyover courtesy SouthWings.org
Thanks Vivian !


La foi dit-on, déplace les montagnes. La cupidité est capable, elle, de les araser.
C’est en lisant le livre d’Alan Weisman, Homo Disparitus (The World without us 2007), que j’ai découvert les « montagnes fantômes » photographiées par Vivian Stockman. Ce qui m’a conduit à entrer en contact avec Vivian et à découvrir le combat de l’association OVEC (pour Ohio Valley Environmental Coalition clic-clic), contre le "mountaintop removal" (MTR).
Depuis quelques années dans les Appalaches, les compagnies minières américaines utilisent une technique extravagante mais beaucoup plus économique que l’exploitation minière, une technique imparable pour exploiter le charbon de ce massif montagneux, il s’agit du "mountaintop removal", mot à mot, le "déplacement du sommet", en fait une véritable décapitation de la montagne.



La forêt qui la recouvre est rasée, la couche supérieure du sol déblayée puis la montagne est détruite à coups d'explosifs, les gravats et rochers sont alors évacués par des excavatrices géantes. Les arbres, chênes, hickorys, magnolias, cerisiers d’automne, sont arrachés par les bulldozers et jetés dans les ravines, ensevelis sous des tonnes de gravats.


Hickory tree

Ce procédé est presque exclusivement utilisé aux Etats-Unis - essentiellement en Virginie-Occidentale, dans le Kentucky et le Tennessee - depuis le milieu des années 1990.
Il est particulièrement adapté aux régions montagneuses dotées de veines de charbon fines et proches de la surface comme les Appalaches.
Le coût de revient du charbon extrait selon cette méthode est imbattable et on comprend pourquoi le lobby minier est assez puissant pour commettre de telles exactions quand on sait que plus de la moitié de l'électricité du pays est produite par des centrales à charbon.

Selon les associations écologistes, près de 500 sommets auraient déjà été exploités et au moins partiellement détruits dans toutes les Appalaches. L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) estime que, en 2013, 6,8 % de la surface de forêts existant en 1992 dans les régions concernées aura été détruite par la technique du mountaintop removal. Rien qu’en Virginie de l’ouest, plus de 1500 km de cours d’eau ont disparu.
Quelques habitants font de la résistance et refuse de vendre leurs maisons aux compagnies minières mais doivent vivre dans un paysage de désolation, un océan de rocs et de boue, sillonné des engins monstrueux aux roues gigantesques et au milieu des explosions destructrices.



La destruction des plus vieilles montagnes du monde (voir vidéo ici) provoque cependant une mobilisation de plus en plus forte des organisations écologistes mais les géologues industriels font valoir que les réserves des USA, de la Chine et de l’Australie contiennent l’équivalent de six cents ans de charbon. Le combat est donc loin d’être gagné. Beaucoup attendaient du Président Obama qu’il mette fin à ce scandale mais son administration avance très lentement sur ce dossier « sensible » voir ici.
L'histoire de la Virginie-Occidentale est étroitement liée à celle de l'exploitation souterraine du charbon, qui n'a cependant enrichi personne ici puisque c’est le troisième Etat le plus pauvre des Etats-Unis. En 1921, eut lieu la bataille de Blair Mountain, la plus grande révolte armée de l'histoire syndicale américaine, qui fit plusieurs dizaines de morts, aussi bien chez les mineurs que parmi les milices mises sur pied par les compagnies.

vendredi 2 décembre 2011

LA NOUVELLE ROUTE DU LITTORAL & L’ENQUÊTE D’UTILITÉ PUBLIQUE



La Réunion n’en finit pas de payer l’erreur historique du choix arrêté en 1955 de faire passer l’axe Saint-Denis /La Possession sur le littoral. Dès l’achèvement en 1963 de la première route en pied de falaise, devant sa dangerosité, on envisagea la construction d’une nouvelle route plus éloignée en mer. Mais en 1976, lors son inauguration, cette deuxième route du littoral se révéla elle aussi dangereuse et on réfléchit aussitôt à une 3ème route. Aujourd’hui et malgré les millions d’euros dépensés en entretiens et en travaux de sécurisation, on persiste dans les erreurs du passé en proposant un troisième itinéraire toujours sur le littoral, encore un peu plus éloigné sur la mer et en y incluant cette fois un Transport Collectif en Site Propre (TCSP).
On se souvient que le projet de la Nouvelle Route du Littoral (NRL) a été modifié le 14 octobre 2010 par les Accords de Matignon II.



D’un coût estimé en 2007 à 930 millions, la NRL est passée à 1600 millions d’euros du fait de l’ajout d’une sur largeur ( passage à une 2 X 3 voies dont deux voies dédiées à un TCSP bus puis à terme, un TCSP ferré) et du fait de l’abandon du péage routier.
Le projet actuel retenu par la Région est la variante dite V3.2bis qui prévoit la construction d'une digue de 6,9 km gagnée sur la mer (une partie sur 1,2 km à la sortie de Saint-Denis, une autre longue de 5,7 km de la Grande Chaloupe à La Possession) et entre les deux, un viaduc en mer de 5,3 km.


Viaduc

La Région reconnaît qu’elle a choisi cette variante uniquement parce qu'elle est la moins coûteuse, la seule compatible avec l’enveloppe budgétaire des Accords de Matignon II. Or, c’est la variante la plus impactante au point de vue environnemental.
Examinons la.

1) Cette variante V3.2bis va accentuer l’artificialisation du littoral.
La construction de digues sur près de 7 km (6,9 km) aura des impacts importants sur le trait de côte. Le dossier n’en dit pas grand chose alors que c’est un des éléments les plus importants du dossier. Un tel ouvrage provoquera une modification des courants favorisant ainsi les déplacements de sédiments marins et de matériaux issus des ravines. Il en résultera des modifications de l'action de la mer avec de fort impacts sur le trait de côte, sur place ou à distance, notamment sur la baie de Saint Paul ou sur les plages de l’ouest.



L'expérience montre qu'à moyen terme les coûts de protection contre la mer de certains ouvrages sont très élevés et récurrents.
L’artificialisation a comme effet de fragiliser le littoral et donc de conduire à renforcer en permanence les ouvrages de protection comme par exemple les tétrapodes de la route du littoral, laquelle, sans cela, s’enfoncerait dans la mer (clic-clic).




Les nombreux travaux d’artificialisation réalisés depuis des années (endiguement de plusieurs rivières, construction de ports, la route du littoral, piste longue de Gillot, etc.) ont déjà largement contribué à l’érosion littorale qui aboutit dans l’ouest à la disparition progressive des plages. Le taux d’artificialisation du littoral réunionnais est le plus important des quatre DOM, les surfaces artificialisées couvrent 28,2 % des terres situées à moins de 500 m de la mer (chiffres IFEN 2004).

2) La variante V3.2bis suppose aussi l’extraction de 10 millions de m3 de matériaux qu’il faudra transporter et transformer. Ce qui de l’avis de tous les spécialistes est énorme. Ce qui veut dire aussi que pendant les sept années de durée des travaux, la NRL va monopoliser l’essentiel de l’extraction des agrégats au détriment des autres activités qui en dépendent faisant ainsi monter les coûts. Sans compter évidemment les conséquences en termes environnementaux : impact sur les écosystèmes proches des sites d’extraction, bruits, dégradation de la qualité de l’air, émissions de CO2, circulation des camions, nécessité de restauration des sites d’exploitation, etc.




3) La digue aura un impact direct sur la frange littorale. Car la diminution de l’influence des embruns va contribuer à modifier le fonctionnement des écosystèmes de la falaise et va aussi contribuer à la constitution d’un « nid » de prolifération d’espèces exotiques envahissantes. Comme le dit Jean-Lionel Vigna, membre de la SREPEN et à ce titre membre de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites : “En l’état actuel, alerte , le remblai de 60 m de large en moyenne va couper la falaise et son écosystème des embruns. Or, la végétation s’est construite en fonction d’un gradient de salinité donné. Elle risque donc de disparaître et on parle là d’espèces protégées, menacées de disparition, comme les composantes de la forêt semi-sèche”. (Voir les quotidiens du 8 septembre 2011).


Digue

4) Cette variante retenue uniquement pour des motifs budgétaires peu justifiés (le surcoût de l’autre variante est seulement de 10 %) risque de lui poser de gros problèmes car elle nécessitera d’obtenir une dérogation aux objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau (Directive n° (2000/60/CE), objectifs qui fixent un bon état des masses d’eaux dont les eaux côtières en 2015. La digue de 5,7 km qui va du PK 9 à PK 13, affectera une zone à enjeux écologiques forts, notamment la zone du banc récifal des Lataniers. Or, une dérogation peut être obtenue s’il est fait la preuve que la solution la mieux disante sur le plan écologique ne peut être choisie pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, ce qui n’est pas le cas ici.


5) La mort de la Grande Chaloupe ?

Le site de La Grande Chaloupe appartient au patrimoine historique et culturel de La Réunion, c’est un de ses lieux hautement symboliques de l’histoire du peuplement de l’île.



Or, un barrage composé d'une digue élevée à une hauteur nettement supérieure à celle de la route actuelle et d'un demi échangeur coupera le site de la vue sur la mer.
D’autre part, des milieux naturels de forêt semi-sèche remarquables, derniers vestiges d’une végétation originaire, qui ont justifié un classement en réserve naturelle et son intégration dans le périmètre du Parc National de la Réunion (Patrimoine mondial de l'Unesco), seront aussi sous la menace des conséquences éventuelles de construction de la digue.


Projet de digue à la Grande Chaloupe


6) Non respect du Code de l'Environnement



Le dossier présenté par la Région contrevient aux dispositions du Code de l’Environnement. Ainsi l’article article R.122-3 IV prescrit que l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Or, l’étude présentée par la Région omet d’inclure les impacts des travaux qui sont intrinsèquement liés à la NRL, comme ceux qui concernent les entrées de villes, La Possession et surtout Saint-Denis.


7) La question des coûts



Si tout le monde se souvient que la Route des Tamarins a connu un dépassement financier de +70 %, beaucoup ont oublié que les deux premières routes (1963 et 1976) ont elles aussi connu un dépassement de + 70%. En 2008, Nicolas Morbé, déjà directeur d’opérations à la Direction Régionale des Routes déclarait à la presse que le projet de l’époque dans sa version mixte digue-viaduc était estimé à 1,3 milliards d’euros. Mais il y a trois ans le projet ne comportait alors que 2 X 2 voies. Aujourd’hui, il a considérablement changé de nature puisqu’il s’agit de réaliser une 2 X 3 voies avec 2 voies réservées à un TCSP ferré et que tout financement par péage a été supprimé. Il est donc clair que le chiffre de 1,6 milliards d’euros pour un tel ouvrage sous estime largement le coût réel. D’autant plus que l’enveloppe de Matignon n’intègre pas le coût des travaux nécessaires aux entrées des villes de La Possession et Saint-Denis. D’après nos estimations, La NRL sera trois fois moins longue que la route des Tamarins mais coûtera trois fois plus cher.


8) Le TCSP, parent pauvre du projet.




Concernant le TCSP, dans son avis émis le 12 octobre, l’Autorité Environnementale (AE) s’étonne de la place « très modeste » occupée par le transport en commun « que ce soit au niveau de la justification du projet global, de la description de l'intégration de cette partie TCSP de 12,6 km dans le système de transports collectifs de l'île, ou encore de la présentation des évolutions en cours de ces transports ». L’AE remarque aussi que rien n’est dit sur les conditions matérielles de passage d’un TCSP bus à un TSCP ferré « dont les modalités de fonctionnement sont d'une autre nature » et recommande donc à la Région de démontrer de manière réaliste la possibilité du passage d’un TCSP bus à un TCSP ferré. Aucune prévision sérieuse sur les hypothèses de report de trafics vers un éventuel « Trans éco express » n’est fourni. Tout se passe comme si le TCSP était un élément annexe, voire un alibi.



Conclusion


Il y a à La Réunion un lobby des professionnels de la route, il a démontré sa puissance en novembre 2008 en paralysant toutes les activités socio-économiques de l’île pendant plusieurs jours et récemment encore lorsque les 28 taxiteurs de l’aéroport Roland Garros ont réussi à empêcher Air France de mettre en place une navette Gillot-Saint-Pierre à 20 euros le trajet contre actuellement 150 euros en taxi.
Ce lobby voulait :
• la suppression du transport en commun ferré qui lui ferait concurrence,
• la priorité de investissements accordée à la Nouvelle Route du Littoral,
• la suppression du péage.



Sur tous ces points, il a obtenu satisfaction. Les intérêts corporatistes du court terme ont prévalu sur l’intérêt collectif et l’anticipation. La NRL gratuite sans véritable contrepartie en termes de transports en commun, est une absurdité politique qui sera payée par l’ensemble des contribuables réunionnais mais ne résoudra en aucun cas, bien au contraire, les problème de circulation et déplacements. Sachant que toute nouvelle infrastructure routière favorise un recours accru aux véhicules particuliers (la Route des Tamarins a contribué à mettre 7000 véhicules supplémentaires par jour sur l’actuelle route du littoral, on est passé de 48 000 véhicules/jours à 55 000), cette politique des déplacements dont l’axe essentiel est une super route passant sur viaduc en mer, ne fera que dégrader la situation, en favorisant notamment un afflux de véhicules dans le chef lieu.
On retiendra donc trois grandes faiblesses du dossier présenté : la place marginale du TCSP, le problème non réglé ni financé des entrées de villes et la question du coût global largement sous estimé. Mais toutes découlent de la contrainte budgétaire à laquelle s’est exposée la Région dès lors qu’elle a modifié le projet en le transformant en une 2 x 3 voies sans péage avec une enveloppe de 1600 millions d’euros à ne pas dépasser. Les anciens accords prévoyaient 2245 millions d’euros pour les deux projets, une route à 2 x 2 voies et un TCSP ferré. Là, la Région doit faire une route 2 x 3 voies + un TCSP bus avec seulement 1850 millions d’euros.
La conséquence la plus grave en est le choix de la variante la moins coûteuse en apparence mais dont le coût en termes environnementaux est excessivement élevé pour une île qui vient d’obtenir son inscription au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Les écologistes, en l’absence d’une alternative crédible offerte aux Réunionnais en matière de transports en communs, ne pouvent que rejeter un tel projet comme inadapté, coûteux pour les finances publiques et dangereux pour l’environnement.

vendredi 18 novembre 2011

PINOCCHIO A LA RÉUNION



PINOCCHIO POSSÈDE PRÈS DE 75 % DES TERRES ARABLES DE LA RÉUNION

Les prix Pinocchio du développement durable, organisés par les Amis de la Terre - France , ont pour but d'illustrer et de dénoncer les impacts négatifs de certaines entreprises françaises, en totale contradiction avec le concept de développement durable qu'elles utilisent abondamment. Bref, c'est le prix de la tartufferie.
Le groupe Tereos qui possède 100 % de la filière canne à La Réunion vient d’obtenir le 17 novembre 2011 cette récompense dans la catégorie "Une pour tous, tout pour moi !" avec 41 % des votes (clic-clic).
Téréos se présente comme une brave coopérative de betteraviers (clic-clic) mais c'est en réalité une véritable multinationale qui fait partie de ces sociétés qui accaparent les terres fertiles dans les pays pauvres pour y développer la cultures des agrocarburants.


C’est pour son implantation au Mozambique que Téréos a été plébiscitée dans sa catégorie. Tereos détient en effet près de 100 000 hectares de terres cultivables qu’elle transforme en monocultures énergétiques, confisquant ainsi des terres agricoles fertiles aux populations locales. Alors que Tereos réalise 194 millions d’euros de profit, 70 % de la population du Mozambique continue de vivre sous le seuil de pauvreté.
C'est une filiale brésilienne de la maison mère, Téréos Internacional, entièrement dédiée aux agrocarburants qui détient près des 3/4 des terres arables de notre île. Ce blog l'a déjà évoqué ici (clic-clic).

samedi 5 novembre 2011

ÉMEUTES & HAUSSE DES PRIX DES DENRÉES ALIMENTAIRES


Dans un article paru en août 2011,The cause of riots and the price of food, des chercheurs du New England Complex Systems Institute (Cambridge) estiment que si la tendance à la hausse des prix alimentaires se poursuit, les troubles sociaux qui en résulteraient pourraient balayer la planète dans quelques années. Sans partager entièrement la radicalité de cette vue catastrophiste, nous pouvons cependant remarquer que les dits chercheurs ont établi un graphique assez troublant sur lequel on peut voir la quasi parfaite coïncidence entre la courbe de l’indice FAO (Food and Agriculture Organization) des prix des produits alimentaires (en noir) et le déclenchement d’émeutes (en rouge). Il ne s’agit pas de croire naïvement que la hausse des prix déclenche mécaniquement des révoltes mais, elle contribue puissamment à créer les conditions d’une remise en cause des régimes dictatoriaux qui affament leurs peuples. Les hausses des prix des produits alimentaires sont provoquées d’une part, par la spéculation sur les prix des denrées accentuée par la dérégulation des marchés des matières premières et d’autre part, par la politique de conversion des terres consacrées jusqu’ici à la culture des céréales, en terres dédiées à la production d’éthanol.
L’analyse du New England Complex Systems Institute tendrait en tout cas, comme le remarque justement Vincent Cheynet du journal La Décroissance, à relativiser tous les discours à la mode sur le rôle de Facebook ou Twitter comme déclencheurs des révoltes du « printemps arabe ».

mardi 1 novembre 2011

MAÏDO, LE TEMPS DES RESPONSABILITÉS





Le 30 novembre 2010, au PC de lutte contre le feu installé au Maïdo et alors que le Préfet déclarait l’incendie de 2010 officiellement éteint, Mme Marie Luce Penchard, Secrétaire d’Etat à l’Outremer, affirmait à la presse réunionnaise « Je mettrai tout en œuvre pour que l’incendie du Maïdo ne se reproduise plus ».

Un an plus tard, un incendie encore plus terrible est en train de ravager le Parc National sur une surface trois fois plus grande. Mais s’il est normal de rappeler à Mme Penchard ses propos, il ne faudrait pas cependant que l’invocation des responsabilités de l’Etat masque celles des certains élus locaux.


Nombreux d’entre eux n’ont semble-t-il pas compris que le classement du Parc au Patrimoine de l’UNESCO aurait comme contre partie un haut niveau d’exigences et de devoirs en matière de gouvernance, de préservation et de valorisation du patrimoine. Ces obligations patrimoniales auront un coût financier. Nous sommes loin du compte.
En décembre 2009, une mission d’évaluation pilotée par le Ministère de l’Ecologie mettait déjà en cause « la gouvernance externe et interne » du Parc pointant notamment "un déficit manifeste de lisibilité et de compréhension des actions conduites par l’établissement, la poursuite des incertitudes sur la nature de ses missions et des difficultés certaines dans le fonctionnement et la prise de décision des instances délibératives". Hélas, la répétition en à peine un an d’intervalle de ces deux terribles sinistres confirme le diagnostic et illustre cruellement les déficiences de la gouvernance actuelle de l’institution.


Le Président du Parc National aurait dû entreprendre, dès le lendemain de l’incendie de 2010, de bâtir avec les autres acteurs, Etat et Département, un véritable outil de gestion des risques assumant l’articulation et la coordination de tous les éléments de la « chaîne du risque » : connaissance, prévention, protection, prévision, alerte, gestion de crise, assurances, implication des acteurs locaux et des services de l’Etat. Qu’a-t-il fait ? Rien. Le Maïdo brûle, Daniel Gonthier, le Président du Parc National, regarde ailleurs.
Le 15 octobre 2010, avec Philippe Berne, lors d’une conférence de presse sur la politique d’adaptation au changement climatique, évoquant le sinistre du Maïdo et le risque incendie inhérent à la forêt réunionnaise, nous préconisions la création d’une force permanente de protection civile de la zone Océan Indien qui aurait vocation à pouvoir intervenir rapidement dans les pays de la zone avec lesquels nous aurions bâti un partenariat. Un an après, devant l’ampleur du désastre, plusieurs élus reprennent cette idée mais combien faudra-t-il d’incendies pour qu’elle commence à trouver une traduction concrète ?


Quant à Mme Farreyrol, la nouvelle Sénatrice de La Réunion et Présidente de l’association Île de la Réunion Tourisme qui à ce titre a une responsabilité particulière en matière de valorisation du Patrimoine, que fait-elle ? Elle publie un communiqué où elle écrit : « C’est un joyau de l’humanité qui part en fumée et nous ne pouvons rester les bras croisés. » Apparemment, si, on peut décroiser les bras le temps de rédiger un communiqué et continuer à regarder passer les catastrophes.
Le bilan sera fait par les professionnels de la protection civile et peut-être saura-t-on si le Dash est un avion approprié ou pas au relief de notre île mais la véritable question de fond est de savoir si aujourd’hui les élus qui ont en charge la gestion du patrimoine naturel de La Réunion, ont bien compris la nature des exigences et des défis qui découlent du classement du Parc au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.


Les Réunionnais ont célébré l’inscription du Parc au Patrimoine Mondial puis ils ont fêté le premier anniversaire de cet événement. C’est normal. Mais il y a un temps pour tout. Celui de l’auto congratulation est terminé, aujourd’hui le temps des responsabilités est venu.

samedi 29 octobre 2011

LA RÉUNION FACE AUX CRISES




Toute crise est révélatrice d’un certain état de la société et notamment de ses carences institutionnelles. On se souvient par exemple des dysfonctionnements et des carences des autorités sanitaires locales lors de la crise du chikungunya en 2005-2006 à La Réunion. Mais alors qu’une crise devrait être l’occasion pour les acteurs d’apprendre et d’en tirer des leçons, les autorités publiques et les élus réunionnais semblent toujours aussi désemparés et en sont réduits e plus souvent à des réactions plus émotionnelles que rationnelles.

Notre île est en train de vivre deux crises quasi concomitantes, depuis un mois, le risque requin et aujourd’hui, l’incendie du Maïdo qui survient un an après celui de 2010. Deux crises qui se transforment en psychodrames tant les acteurs semblent dépassés par les événements et incapables de répondre aux attentes et exigences légitimes de l’opinion.

Il y a un mois, le Préfet décrétait une absurde campagne d’élimination des requins qui finira pitoyablement par la mort d’un seul animal, aujourd’hui, le même Préfet, sans pouvoir exhiber une véritable preuve, évoque un mystérieux groupe de pyromanes. Et de même qu’il y a un mois, le Conseil Régional s’emballait pour les fameux shark shields, de même aujourd’hui, les élus de tous bords réclament la venue d’un Dash 8 supposé avoir le pouvoir magique d’éteindre l’incendie.

Incapables de comprendre la nature du problème auquel ils sont confrontés, les « décideurs » se réfugient dans l’espoir d’une solution purement « technique ». L’affaire des requins par exemple, n’a conduit aucun élu, aucun responsable à s’interroger sur la pertinence des choix opérés depuis des années en matière de développements économique et touristique tous orientés vers les activités en milieu marin. Le risque requin est un risque naturel sur une île de l’Océan Indien mais c’est un risque socialisé dans une société qui privilégie à outrance sur l’une de ses côtes un développement inconsidéré de l’urbanisation, du bétonnage et la multiplication des activités nautiques. L’artificialisation du littoral, l’érosion des côtes, les rejets en mer de tous nos effluents, l’annexion du milieu marin pour les loisirs constituent le fond du problème mais si on se focalise de manière irrationnelle sur la « responsabilité « des requins, on ne fait qu’éviter de poser les véritables questions.

De la même façon, le risque incendie ne saurait être conjuré par la venue d’un bombardier d’eau par ailleurs inadapté au milieu réunionnais ( apparemment beaucoup ont oublié qu’en 2010, le Dash était cloué au sol dès que les nuages arrivaient en fin de matinée). Pour une fois, le Préfet a raison, c’est une affaire d’hommes sur le terrain. Mais c’est d’abord une affaire d’hommes et de moyens en termes de prévention de l’incendie car à tout le moins, il faut se donner les moyens de le circonscrire le plus rapidement possible. En effet, la croissance démographique a comme conséquence inévitable une augmentation de la fréquentation du milieu forestier par les usagers et donc une augmentation du risque incendie qu’il soit involontaire ou non. Le 22 octobre 2010, lors d’une conférence de presse in situ, Christophe Pomez et moi, nous avions préconisé un certain nombre de solutions après l’incendie de 2010. Notamment la création d’une force permanente de protection civile de la zone Océan Indien qui aurait vocation à pouvoir intervenir dans les pays de la zone avec lesquels nous aurions bâti un partenariat. Il aura fallu un nouvel incendie pour que cette idée soit reprise aujourd’hui par des élus. Nous préconisions aussi de bâtir un véritable outil de gestion des risques assumant l’articulation et la coordination de tous les éléments de la « chaîne du risque » : connaissance, prévention, protection, prévision, alerte, gestion de crise, assurances, implication des acteurs non institutionnels dans les prises de décisions, notamment les associations environnementales dont l’expertise est précieuse et le recours aux « bonnes pratiques » créatrices d’emplois. Mais rien n’a été fait et aujourd’hui, les réunionnais ont le même sentiment d’impuissance qu’en 2010 devant la catastrophe écologique qui se profile.

vendredi 28 octobre 2011

TEREOS INTERNACIONAL À LA RÉUNION


La nouvelle passe quasiment inaperçue. Mais Tereos vient de vendre sa filiale Soleo. C'est ici. Pour mémoire, rappelons qu'en 2010, sans qu'il y ait eu à La Réunion beaucoup de réactions, le groupe agro-industriel Tereos a fait main basse sur plus de 70 % des terres arables de La Réunion en achetant en 2010 le groupe Quartier Français qui avait acquis Soleo en 2009. Désormais Tereos contrôle 100 % de la filière canne. En réalité cette dernière n'est pas détenue par la maison mère, Tereos, mais par sa filiale brésilienne, Tereos Internacional, dédiée à la production des agrocarburants. L'achat de Quartier Français correspond à une stratégie de développement de la société brésilienne qui n'a cependant que faire de certains actifs acquis par le groupe réunionnais et qui ne rentrent pas dans ces objectifs. Ainsi, Mascarin et "Quartier Français spiritueux" vont être vendus. Aujourd'hui c'est donc l'entreprise portoise Soléo qui est vendue à un groupe métropolitain, Terralis, qui investit dans les énergies alternatives, l'éolien et le photovoltaïque. On voit les conséquences de la main mise de Tereos Internacional sur le secteur agro industriel réunionnais, hier fer de lance de l'économie locale : ce sont des pans entiers de l'activité économique qui passent entre les mains de sociétés non réunionnaises. Il faut aussi savoir que Tereos Internacional est l'un des principaux acteurs de l'accaparement des terres notamment en Afrique. Le groupe a ainsi obtenu une concession de 100 000 hectares au Mozambique, pour une durée de 150 ans, dont 15 000 ha sont déjà utilisés pour la culture de la canne à sucre en vue de la production d'agro carburants. En octobre 2010, Tereos Internacional signait un accord avec Petrobras, le géant pétrolier brésilien, un contrat de plus de 900 millions d'euros portant sur la fourniture d'éthanol. Tereos Internacional, Bolloré ou Dreyfus et de grands fonds d'investissements internationaux, sont les acteurs majeurs de ce type d'agriculture purement spéculative puisque l'objectif est de spéculer sur le marché des agro carburants et des matières premières agricoles dont toutes les études de la Banque Mondiale, montrent qu'il s'agira d'un marché extrêmement rentable dans les années à venir. Alors, évidemment la vente d'une petite société portoise (trois salariés) peut sembler anecdotique, elle est néanmoins une parfaite illustration du démantèlement du secteur industriel réunionnais dans le cadre de la mondialisation, elle illustre aussi la fin d'un capitalisme patrimonial et l'incapacité pour les acteurs économiques locaux à garder la main sur les grandes orientations du développement de La Réunion.


lundi 26 septembre 2011

LE LOBBY DE LA ROUTE À LA RÉUNION

Puissance du lobby de la route à La Réunion

Ce lobby a non seulement des portes-voix politiques au Conseil Régional (Vergoz et Didier Robert) il a aussi pris les rênes à la Chambre de Commerce. Par exemple, la Commission "Transport" de la CCIR est constituée de la fine fleur du lobby pro routier à commencer par son Président, Jean-Bernard Caroupaye, qui préside aussi aux destinées de la FNTR (voir ici) et son Vice Président, Ary-Claude Caro, le Président du syndicat des artisans taxis de la Réunion, tous sont, on s'en doute, des amis des transports en commun comme on peut le voir ici par exemple.
On se souvient aussi de la tentative d'Air France de mettre en place une navette pour aller de Gillot à Saint Pierre au prix de 20 euros contre actuellement 150 euros que doivent débourser les arrivants qui sont réduits à prendre le taxi. Bien évidemment les taxiteurs qui détiennent là un monopole juteux, ont menacé de bloquer les route jusqu'à ce qu'Air France renonce. Ainsi, 28 taxiteurs peuvent imposer leur loi à La Réunion. Le prix de la course en taxi de Gillot à Saint-Denis, soit 8 km est à 22 euros, un record dans l'hémisphère sud. Par exemple, à Singapour qui est une des villes les plus chères au monde, une course en taxi de 5 km en centre ville coûte moins de 5 euros et le trajet de 20 km entre l'aéroport Changi et le centre de Singapour City, coûte environ 12 euros dans la journée et un peu moins de 15 euros pendant la nuit. Alors si on compare avec les 150 euros de nos taxiteurs....


Opération escargots des taxiteurs contre la navette Air France

dimanche 25 septembre 2011

QUELLE MOBILITÉ À LA RÉUNION ?

Du 16 au 22 septembre 2011, c'était la "Semaine de la Mobilité", événement censé promouvoir les solutions alternatives à l'automobile. Événement animé par les "acteurs institutionnels" comme notre amie La Région dont la nouvelle majorité est la bienfaitrice du lobby de la route ou encore la CCIR, dont elle aussi, la nouvelle majorité est "dévouée" à la cause du tout routier. Ainsi la CCIR a organisé le 21 septembre un "Séminaire" sur la mobilité alternative (voir le programme ici).


Article du Quotidien



Bangkok comme modèle ?

La presse en a (un peu) rendu compte comme par exemple le Quotidien qui rapporte notamment les propos du Président de la Commission Transport de la Chambre de Commerce. Parmi les "propositions révolutionnaires" de cet ami de la mobilité, des parkings relais surveillés (!), la superposition des routes en aérien ou en souterrain (!!) et des téléphériques ! Pourquoi des téléphériques ? Parce que conscient que le développement du tout routier conduit à immobiliser de plus en plus les usagers, Caroupaye, veut que les usagers prennent la voie des airs pour s'extraire des lieux asphyxiés par l'automobile !

SILENCE ON DÉTRUIT UN SITE NATUREL !

Dans un excellent article paru le jeudi 15 septembre 2011, Le Quotidien fait état de la destruction (il n'y a pas d'autres termes !) d'un îlet à Cilaos, au lieu dit "L'équerre" par un exploitant de carrière. L'îlet et toute la végétation qui le recouvre disparaissent progressivement. Les protestations des habitants n'y font rien. Mais le pire est ce que nous apprend le journaliste. En effet, d'après lui, c'est après que la mairie de Saint Louis, en 2005, ait modifié "en urgence" son PLU que cet "espace boisé sensible" a pu être déclassé en zone NDc, c'est-à-dire en zone d'exploitation de carrière. Or, non seulement la commission des sites n'a pas été consultée mais la Préfecture a autorisé l'exploitation en juillet 2008 en contradiction avec le SDC, le Schéma Départemental des Carrières qui interdit les extractions dans les ravines et lits des rivières. Le Quotidien avait déjà fait un article en septembre 2008 mais apparemment, personne ne semble s'émouvoir de cette destruction d'un site naturel.

mardi 28 juin 2011

10 ANS DE COMBATS CONTRE L'INCINÉRATEUR


Débat avec Cyril Hamilcaro en charge en février 2007 du dossier incinérateur dans le sud

2001 : naissance de la contestation de l'incinération, première manif...

Au nom des Verts, Marie Cécile Seigle Vatte et moi-même, nous posons la première pierre de la bataille contre le projet du Conseil Général. Il y a dix ans, nous préconisions déjà la prévention, la réduction à la source, le tri, la méthanisation, la création de recycleries en insistant sur le gisement d'emplois potentiels, etc. A ce jour aucune recyclerie n'a été créée.



Malgré ça, le Conseil Général, le lendemain vote le projet sans opposition




Le 15 décembre 2001, contactés par l'Association du Temple, nous manifestons à Bois Rouge et prenons la parole devant la mairie de Saint André pour dire non au projet d'incinérateur. Pour la première fois les idées écologistes trouvent un écho important au sein de la population.


Ce succès attire quelques arrivistes. Nous condamnons la tentative de récupération politicienne d'une poignée de militants de Parnouminm.


2002-2003 : ça n'avance pas : les élus sont très majoritairement favorables à l'incinération mais rien ne se fait.

L'UFC Que Choisir dit non


La SREPEN se prononce contre

Ibrahim Dindar parlant du plan et des incinérateurs : "les choses avancent lentement mais sûrement". Ils doivent être construits en 2010.


2004 : la CFDT se prononce contre l'incinération


2005 : Gérard Lacroix, ex vert et militant écologiste mène le combat avec UFC Que Choisir et dépose un recours devant le Tribunal Administratif.


2006 : Le PCR se prononce contre l'incinération. Dominique de Villepin Premier Ministre de passage à La Réunion puis Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie, pressent les élus de mettre en place une filière d'incinération des déchets ménagers. Devant le danger, ACCIDOM se crée ainsi que d'autres associations anti incinération...

ACCIDOM est créée le 6 mai 2006. En congé des Verts, je rédige les statuts de l'association et en devient le porte parole, elle est présidée par le Dr Edwards et se revendique indépendante politiquement.




ACCIDOM fait une conférence de presse mais organise aussi des réunions de quartier dans le sud et fait signer une pétition à plusieurs milliers de personnes.


Le Préfet Laurent Cayrel, profitant de l'émotion suscitée par le Chik, tente de forcer le passage pour l'incinération et accuse ACCIDOM de ne pas être suffisamment informé sur la question de l'incinération.

ACCIDOM répond au Préfet et demande la mise en place d'un débat public.


Les élus craquent, ceux de la CIVIS les premiers, virent de bord. Le Préfet, lui, est parti...






En quelques mois, l'opinion a basculé.

Le 4 septembre 2006, lors de la visite du Ministre Baroin, ACCIDOM publie un appel dans la presse pour réclamer à nouveau un débat public :
"M. LE MINISTRE , LA REUNION VEUT UN DEBAT PUBLIC SUR L’INCINERATION"


Finalement, le nouveau Préfet, Pierre Henry Maccioni, accède à la demande d'ACCIDOM et met en place une concertation publique.
le 3 octobre s'ouvre la première séance de l'ILC, Instance Locale de Concertation en présence du Préfet Maccioni. ACCIDOM mais aussi le GAC, la SREPEN, Conscience Créole, Ecologie Réunion, Association contre le Chik, participeront aux débats avec les services de l'Etat et les institutionnels et les collectivités.
ACCIDOM prend note de la venue de deux experts "indépendants" mais réclame la venue de "son" expert. Après tractations la Préfecture acceptera de payer le voyage et le séjour de Pierre Emmanuel Neurhor, fondateur du CNIID, le Centre National d'Information Indépendante sur les Déchets. Elle s'en mordra les doigts, PE Neurhor mettant à mal l'argumentaire des pro incinération.



Toutes les associations sont invitées par le Département à un voyage d'études afin d'étudier les alternatives à l'incinération.


2007 L'incinération est dans les choux. ACCIDOM débat avec Cyril Hamilcaro qui concède un moratoire. ACCIDOM refuse aussi une rencontre "arrangée" devant les médias avec Dominique Voynet, candidate verte à la Présidentielle de 2007, l'indépendance politique de l'association étant un élément essentiel de son action.



La concertation a refroidi les ardeurs du lobby pro incinération mais la "guerre" n'est pas finie, loin de là...



Toute décision est repoussée à 2008. Il y aura des élections et le PDEDMA devra être révisé.


2008, année où la majorité bascule au CG en mars, les élus hostiles à l'incinération deviennent majoritaires, ça tombe bien, le PDEDMA doit être révisé.


ACCIDOM incite les nouveaux élus à prendre leurs responsabilités



L'Etat sent que la filière d'incinération est mal partie....



Le Préfet fait pression sur les élus des diverses collectivités afin qu'un syndicat mixte soit créé au 1er juillet 2008. ACCIDOM continue à faire pression.


En 2009, une nouvelle association anti incinération, l'ARMSE, apparaît, créée par Le Dr Olivier Heye, Vanessa Miranville et le Docteur Bourgeon. Elle se focalise surtout sur les problèmes de santé et préconise à l'époque le tri mécano biologique.


Le 17 décembre 2009, le Comité de Pilotage du CG dévoile le projet de nouveau PDEDMA, il repose sur le scénario dit de "stabilisation" : l'incinération est écartée mais au profit du TMB, le tri mécano biologique qui n'est pas une solution acceptable pour les écologistes. ACCIDOM et Noël Mamère, présent à La Réunion, dénoncent le manque d'imagination et d'audace d'un tel projet.


En 2010, le Préfet rejette le projet de PDEDMA


ACCIDOM réplique

Le 12 décembre KER fait une conférence de presse pour présenter son mémorandum déchets. Il y est dit notamment sur le TMB :

"....De même qu’on ne construit pas un Plan déchets autour de la filière d’incinération des déchets (c’était le cas des précédents PDEDMA), de même, on ne peut construire un Plan déchets simplement sur une stratégie d’évitement de l’incinération car alors on n’a d’autre alternative que l’enfouissement. C’est pourtant ce que font de nombreux Conseils Généraux soucieux de ne pas déplaire aux électeurs hostiles à l’incinération. C’est le cas pour l’actuel projet du Conseil Général de La Réunion. Le Département a choisi en effet un scénario dit de « stabilisation des déchets » par TMB, le tri mécano biologique. Or, le traitement par TMB pose un certain nombre de problèmes.

En effet, le tri mécano biologique ne répond que très partiellement la question « comment se débarrasser d’une grande quantité de déchets » car il n’implique ni les producteurs ni les usagers. Pour les écologistes le TMB est avant tout un « facteur de déresponsabilisation » puisqu’une machine se charge de trier à la place des habitants. D’autre part, ce mode de traitement n’a de sens que s’il y a des débouchés, notamment pour le compost. L’équilibre financier est difficile à trouver « car le prix de vente des composts reste faible et très dépendant du contexte local [1]». D’autre part, le risque de production d’un compost non conforme renchérit la gestion des déchets car il n’y a alors d’autres solutions que l’enfouissement. Le coût du stockage s’ajoute alors au coût du TMB.

Donc le scénario choisi par le Département pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Avec un taux actuel de 84 % d’enfouissement (contre 34 % en métropole et entre 1 et 4 % pour les pays d’Europe du Nord), La Réunion peut-elle s’engager dans la construction d’usines de TMB avec le risque d’avoir à enfouir des tonnes de composts non conformes ou refusées par le monde agricole ?

D’autant plus que la Commission Européenne prévoit d’établir de nouvelles normes de qualité sur les composts issus de déchets, évolution qui engendrera inévitablement des surcoûts pour améliorer la performance des installations.

A quoi il faut ajouter la question de l’emploi : est-il pertinent de procéder à la mise en place d’installation de tri mécanique dans une île où le taux de chômage atteint les 30 % ? Nous sommes partisans d’en rester au tri manuel et de favoriser l’emploi.

C’est donc la solution du tri en amont, à la source, qui doit être privilégiée avec la mise en place d’une collecte séparative des biodéchets...."


[1] Voir le rapport du Sénat (septembre 2010)


En 2011, le CG est sous la pression des services de l'Etat, c'est le retour discret de l'incinération.
En janvier la Commission d'enquête dit non au projet de PDEDMA
KER réagit aussitôt lors d'une conférence de presse le 15 janvier, c'est ici.


Le 25 juin, on apprend par la bouche de M. Alamélou, Vice Président du Conseil Général, que le PDEDMA inclura un incinérateur pour les boues et déchets verts.




Le 27 juin, KER réagit aux propos M. Alamélou, c'est ici.

INCINÉRATEUR, LE RETOUR PAR LA PETITE PORTE ?

Le 29 juin prochain, en Assemblée Plénière, le Conseil Général devrait approuver un nouveau Plan d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PDEDMA), un Plan qui aura connu bien des vicissitudes depuis qu’il est de la compétence du Département. En effet, il y a à peine dix ans, les Conseillers Généraux étaient encore tous favorables à la construction de deux incinérateurs mais après un long et efficace travail de sensibilisation mené par les associations écologistes anti incinération, de nombreux élus ont revu leur position et à la suite du renversement de majorité en mars 2008, très logiquement la collectivité a élaboré, au grand dam de l’Etat, un nouveau Plan écartant l’option incinération.

Mais en 2010, le Préfet de La Réunion, sur la base d’une lecture biaisée de l’article 46 de la « loi Grenelle 1 », a rejeté le nouveau Plan en contestant l’abandon de la filière d’incinération et lui a reproché entre autre de ne pas donner une réponse claire à la question du traitement des boues des stations d’épuration. Aujourd’hui, Daniel Alamélou nouveau Vice Présidente délégué à l’Environnement, qui vient tout juste de succéder à Eric Fruteau, annonce qu’en accord avec les services de l’Etat, le PDEDMA a été modifié pour inclure la construction d’un incinérateur dont il nous assure qu’il ne servira qu’à l’incinération des boues de stations d’épuration et des déchets verts.

Nous sommes cependant en droit de nous poser la question : après avoir été écarté, l’incinérateur n’est-il pas en train de revenir discrètement par la petite porte ? En effet, l’argumentation de M. Alamélou n’est pas très solide. Il nous dit que « l’essentiel des boues sera utilisé en fertilisation agricole » et que l’incinération en concernera que les « surplus », or, les investissements et les coûts de fonctionnement d’un incinérateur font que cette « solution » n’est rentable que pour les gros gisements de boues issus de grandes stations d’épuration. Donc, la construction d’un incinérateur uniquement pour les boues et les déchets verts « en surplus » ne se justifie pas sauf si on projette sans vraiment le dire, de voir à terme cette installation incinérer aussi des déchets ménagers. L’incinération signifierait d’autre part l’abandon de la méthanisation des boues qui était pourtant une priorité du Plan. Car les boues d’épuration mais aussi les déchets d’élevages et agricoles et déchets industriels traités par méthanisation produisent une énergie renouvelable sous forme de biogaz pouvant être transformé en chaleur, électricité et carburant pour véhicules, ainsi qu'en amendement agricole de grande qualité. La méthanisation des boues est donc une voie pleine d’avenir c’est pourquoi le choix de mettre en place une installation d’incinération des boues constitue un signal très inquiétant.

D’autant plus que le PDEDMA repose pour l’essentiel sur le recours au tri mécano biologique (le TMB) dont nous avons déjà dit qu’il est un facteur de déresponsabilisation puisque c’est une technologie qui n’implique ni les producteurs ni les usagers, une machine se chargeant de trier à la place des usagers.

Tous ces éléments font que le PDEDMA proposé au vote des Conseillers Généraux le 29 juin, en choisissant l’incinération des boues d’épuration fait planer une menace sur les opportunités de production d’énergie renouvelable offertes par leur méthanisation, il ne permet pas non plus, du fait du recours au tri mécano biologique, la mise en place d’une véritable et audacieuse politique de création d’emplois de proximité dans le domaine de la valorisation et du recyclage.