samedi 23 janvier 2010

LA REUNION, COBAYE DU CAPITALISME VERT ?





Dans le cadre du projet réunionnais GERRI issu du Grenelle de l’Environnement, le Président de la République vient de signer avec les grands chefs d’entreprises qui l’ont accompagné, une lettre d’intention sur l’expérimentation à La Réunion de 50 véhicules électriques associés à des infrastructures de charge alimentées par des énergies renouvelables. Il s’agit du lancement du protocole « VERT » (Véhicules Electriques pour une Réunion Technologique) qui doit faire à terme, de La Réunion, une région pilote, une référence mondiale, « la première utilisatrice de masse de ces véhicules ».
C’est donc un véritable projet industriel pour La Réunion, on ne déplace pas les patrons de Renault, EDF, GBH (Groupe Bernard Hayot) Total Réunion ou GE Money, filiale de l’américain General Electric, pour faire simplement de la « communication » comme on a pu l’entendre. Il est même surprenant de voir que les responsables politiques locaux n'aient pas ou peu compris que derrière l'aspect politique de la visite du Président deux mois avant les Régionales, il y avait un véritable enjeu industriel et économique qui concerne La Réunion. Jugeons en.
Le Groupe Hayot (importateur Renault, Carrefour, etc.) qui réalise 40 % de son chiffre d’affaires à La Réunion, s’implique désormais via une convention cadre signée avec EDF dans la production d'électricité propre par le déploiement et l'exploitation de fermes photovoltaïques. GBH contribuera à la mise en place du réseau de points de recharge en implantant et en hébergeant des infrastructures de charge sur ses différents sites : concessions automobiles, hypermarchés. Total Réunion exploite un important réseau de stations services susceptibles d’accueillir des spots de recharge rapide. GE Money présent à La Réunion à travers sa filiale SOREFI, est chargé de bâtir des propositions de financement. Bref, ce plan est une expérimentation à l’échelle du territoire du capitalisme vert appliqué à la problématique de la mobilité. Sur le papier, vu l’état déplorable des transports en commun, il peut paraître à première vue, écologique de convertir le parc de véhicules thermiques en parc à moteur électrique.
Mais l’une des conditions permettant d’envisager le développement de la voiture électrique tient à un élément déterminant, le facteur CO2 de la production d’électricité. En clair, si l’électricité injectée dans le véhicule est issue d’un mix électrique fortement carboné, son bilan environnemental sera mauvais. Or, c'est le cas à La Réunion. Sur l'île, le système électrique est largement tributaire des ressources fossiles. Le kWh produit contient 815 gr. de CO2. Ce qui signifie que dans les conditions actuelles de production d'électricité, une voiture électrique circulant sur nos routes générerait deux fois plus de pollution (CO2) que le véhicule « de monsieur tout le monde ».

Pour que la Fluence ZE (Zéro Emission) que Renault veut mettre sur le marché réunionnais mérite son nom, il faudrait que la production électrique locale soit entièrement issue d’énergies renouvelables. Ce n’est pas le cas, les 34 % d’électricité produits par des énergies renouvelables dans lequel le photovoltaïque et l’éolien pèsent à peine 1 % , devraient tomber à 30 % avec la construction de la nouvelle centrale au fuel du Port Est et le projet d’extension de Bois Rouge (charbon). L’option industrielle que Nicolas Sarkozy veut expérimenter à La Réunion sous couvert d’écologie apparaît ainsi contradictoire avec les objectifs affichés de GERRI et devrait si elle se réalisait, accroître la consommation électrique locale alors que l’un des outils de base de la politique énergétique régionale est la MDE, la maîtrise de l’énergie. Le choix présidentiel illustre surtout le désir de permettre au puissant secteur industriel automobile de trouver un second souffle. Pourtant aucun bilan carbone sérieux ne permet de valider la voiture électrique comme « solution » durable. Une étude récente de l’Ademe (juillet 2009) reconnaît que les émissions de CO2 des véhicules électriques particuliers ne présentent pas un bilan global systématiquement avantageux par rapport aux véhicules thermiques. Le gouvernement commet la même erreur qu’avec la promotion du chauffage électrique il y a trente ans et qui a eu pour effet direct d’augmenter l’amplitude des pics de consommation électrique au bilan carbone désastreux puisque l’on sait que désormais EDF est obligé d’importer de l’électricité pendant les heures de pointe en hiver. Comment fera EDF pour faire face la nuit, en été, aux pics provoqués par l’usage de la climatisation et la mise en charge pendant huit heures des batteries ? Le choix des voitures électriques aura aussi des répercussion sur les coûts : l’installation des infrastructures publiques de recharge sera à la charge des communes et les privatives à la charge de l’usager. Sont-ils prêts à payer le prix au vu des risques qu’un tel projet fait peser sur l’objectif légitime d’autonomie énergétique ?
Alors, La Réunion, territoire pilote pour le développement durable ou territoire cobaye pour tester le recyclage d'un secteur industriel ?
Pour avoir une idée de ce que pourrait être une journée d'un usager de la voiture électrique, on peut voir ici une video de la société Better Place que l'Agence réunionnaise GERRI cite en référence.

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